16/12/2025 ssofidelis.substack.com  7min #299088

Mahmoud al-Ardah, figure emblématique de la lutte palestinienne pour son ingénieux « tunnel de la liberté »

Par  Palestine Will Be Free, le 14 décembre 2025

L'un des épisodes les plus emblématiques de la résistance palestinienne contre l'occupation israélienne est celui du "tunnel de la liberté", en septembre 2021. Six Palestiniens purgeant de longues peines à la prison de Gilboa, l'un des centres de détention les plus tristement célèbres d'Israël,  où sont pratiqués le viol et la torture, ont creusé un tunnel de 100 mètres de long à mains nues et avec des cuillères pour s'évader.

Les six prisonniers ont finalement été rattrapés en quelques jours, mais l'annonce de leur évasion a fait sensation. Elle a choqué les Israéliens et fait la joie des Palestiniens, leur montrant que les cachots de l'occupation ne sont pas inviolables, et que la liberté, avec de la patience, du courage et de l'ingéniosité, est à portée de main,.

Mahmoud al-Ardah était le cerveau et le moteur de l'opération. Lors de sa nouvelle arrestation, alors qu'il comparaissait devant un tribunal illégitime de l'occupation, il a adressé un message à son peuple :

"Nous voulions dire à notre nation que ce monstre n'est pas invincible".

Il a récemment raconté qu'un responsable de la prison israélienne a même été impressionné par l'ingéniosité du fameux tunnel.

"J'ai sympathisé avec l'un des officiers qui a admiré notre projet", a déclaré Mahmoud à Al Jazeera. "Je crois qu'il a ensuite été renvoyé".

Né en 1975, Mahmoud s'est engagé dans la résistance dès son plus jeune âge, lors de la première Intifada en 1987, et a été arrêté pour la première fois par les forces d'occupation à l'âge de 16 ans, en 1992, pour avoir prétendument lancé des cocktails Molotov sur des jeeps et des patrouilles militaires. Malgré son jeune âge, il a été condamné à la prison à vie. Il a finalement été libéré en 1996. Il a alors rejoint le Jihad islamique palestinien. Il n'a profité de sa liberté que pendant huit mois avant d'être à nouveau arrêté par l'armée d'occupation, accusé d'avoir tiré sur un officier qui entrait dans Salfit et d'avoir hébergé le leader martyr Saleh Tahaineh, qui s'est lui-même évadé des geôles de l'armée d'occupation.

Mahmoud a ensuite tenté de s'évader en 2001, en 2011 et en 2013, avant de réussir en 2021.

Il a raconté son expérience dans une récente interview :

"Je n'ai pas eu peur de creuser ce tunnel dans la prison de Gilboa en 2021. J'avais déjà tenté ma chance en 2013, mais mon plan a été découvert et je n'ai rien pu faire. Mais j'y ai immédiatement repensé. Ce qui m'a motivé, c'est qu'en sortant dans la cour, malgré les lignes à ne pas franchir, j'ai vu mon ombre aller au-delà. Je me suis alors dit que ma liberté n'avait pas de limites. J'ai réessayé, et j'ai réussi. J'ai pu m'évader pour une semaine. Ces retrouvailles avec le ciel et le soleil ont été fabuleuses".

Déjà condamné à la prison à vie dans les cachots israéliens avant son évasion en 2021, Mahmoud a vu ses conditions de détention se détériorer après sa nouvelle arrestation.

Il a dû endurer quatre années supplémentaires avant que la résistance ne lui permette de retrouver sa liberté, en octobre. Bien qu'il soit libre, Mahmoud, originaire de la ville d'Arraba, dans la Cisjordanie, près de Jénine, n'a pas le droit de rentrer chez lui. Considéré comme trop dangereux pour être autorisé à circuler librement en Palestine, il a été exilé en Égypte par les Israéliens.

Calme, posé et érudit, Mahmoud s'est plongé dans les livres pendant ses trois décennies d'incarcération, étudiant l'histoire, la philosophie, la politique et la religion. Il a terminé ses études et a écrit un roman de 1 200 pages, qui, selon lui, "en est maintenant à sa phase finale".

Mahmoud a accordé plusieurs interviews depuis sa récente libération. Comme s'il voulait rattraper le temps volé par l'occupation, qui l'a emprisonné 32 ans, soit plus des deux tiers de son existence.

Peu après son arrivée en Égypte, Mahmoud a pu déguster pour la première fois depuis quatre ans du fromage artisanal d'Arraba à la petite cuillère, après que les Israéliens lui aient interdit d'utiliser ce simple couvert en raison de sa capacité avérée à le transformer en arme de libération.

Après avoir été soumis à une brutalité extrême et à des années d'isolement cellulaire dans les cachots israéliens, Mahmoud, alors qu'il se promenait dans un quartier du Caire, a été bouleversé de voir des enfants pour la première fois depuis des décennies. Il s'est arrêté pour leur parler et savourer cette tendresse pour nous omniprésente.

Évoquant la façon dont les détenus ont vécu "Al-Aqsa Flood" et ses conséquences, Mahmoud se souvient avoir été profondément ému par la solidarité des Yéménites, qui  ont continué à attaquer les Israéliens génocidaires pour soutenir la résistance palestinienne malgré leurs maigres ressources.

Dans les  salles de torture sadiques de Ben-Gvir, Mahmoud et son codétenu ont été brutalement battus pour avoir composé quelques lignes louant la solidarité yéménite.

"C'était la première fois que j'entendais dire que les Yéménites étaient solidaires du peuple palestinien et se battaient pour lui", se souvient-il. "J'ai ressenti une profonde tristesse - ce Yémen aux ressources si limitées, qui s'est battu contre Israël. J'ai donc improvisé quelques mots pour louer le Yémen. Quand ils les ont entendus, ils sont entrés en trombe dans ma cellule et dans celle de mon ami Muammar al-Shahrouri. Ils nous ont tous les deux roués de coups, chacun à tour de rôle. Ils ont tout fait pour essayer de nous tuer, Muammar et moi, parce que nous discutions ensemble. Mais le Tout-Puissant nous a sauvés de leurs griffes".

Mahmoud et de près de 2 000 autres, et encore des milliers d'autres ont été libérés grâce à l'opération  Al-Aqsa Flood. Au cours du  génocide que les Israéliens poursuivent depuis l'opération Al-Aqsa Flood, ils ont aussi  incarcéré des milliers d'autres Palestiniens de Gaza.

"La mort vaut mieux que la prison, car une fois mort, on repose en paix, mais en prison, on meurt un peu chaque jour", a déclaré Mahmoud, décrivant l'inhumanité dont sont victimes les Palestiniens dans les cachots israéliens. "On vous prive de votre liberté, et de votre humanité".

Il a aussi expliqué que "ces deux dernières années, j'ai plus souffert que pendant les 30 années précédentes".

Malgré tant de barbarie, Mahmoud a été impressionné par le courage des Palestiniens de Gaza :

"Mais les Gazaouis sont forts et résilients. Historiquement, ce sont des combattants d'exception. Ce qui m'a le plus impressionné chez les prisonniers gazaouis, c'est leur résistance et leur soif de vivre. Je me souviens d'un prisonnier de Gaza entrant dans une salle d'attente de la prison, dessinant sur le mur un fusil et signant de son nom en dessous. Personne d'autre n'aurait osé faire cela, car nous savions que les soldats frapperaient ou tueraient quiconque écrit quoi que ce soit sur les murs. Et puis, le dernier jour de leur détention, lorsque les Gazaouis ont appris leur libération imminente, ils ont dansé le Dabke (une danse traditionnelle palestinienne). Ils se sont montrés particulièrement forts et résilients".

Alors que les Israéliens poursuivent leur génocide à Gaza avec leur  campagne meurtrière,  privant les survivants du génocide des ressources nécessaires pour se nourrir, s'habiller, dans des conditions indescriptibles,  aggravées par les pluies hivernales, Mahmoud a récemment adressé à un groupe d'étudiants un message auquel nous devrions tous prêter attention :

"La mainmise d'Israël sur  le discours palestinien s'est considérablement relâchée au cours des deux dernières années de violence gratuite, et que ses efforts frénétiques pour faire taire les voix anti-génocide en rachetant des médias témoignent de ses derniers recours.

"Vous, les étudiants, comptez parmi les combattants de la Résistance", a déclaré Mahmoud. "Vos voix claquent comme des roquettes en plein ciel, et vos messages frappent plus durement que les roquettes".

Traduit par  Spirit of Free Speech

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